écotaxe

L’écotaxe, vraiment écologique ?

Septembre 2019 – (Lecture 3’12)

Le 25 juillet 2019, le site Flight Radar recensait 230 000 vols commerciaux faisant de ce jour le plus prolifique du transport aérien mondial. Au moment où vous lisez ces lignes, ce record a déjà sûrement été battu. Deux jours auparavant, Greta Thunberg, la jeune militante écologiste suédoise de 15 ans était reçue à l’Assemblée Nationale sur fond de polémique concernant ses propos radicaux sur la lutte contre le réchauffement climatique. La concomitance de ces deux évènements témoigne de l’ambivalence de notre monde. D’un côté, l’expansion quasi sans limites d’une économie du transport aérien, polluante mais proactive concernant ses responsabilités environnementales et de l’autre un mouvement populaire et politique pressant les décideurs de légiférer afin de réagir face à l’urgence de la situation.

Le passage très médiatisé de Greta Thunberg a eu lieu quelques jours après l’annonce par la ministre du Transport de la mise en place à compter de 2020 d’une taxe sur chaque billet d’avion afin de répondre à la montée des opposants aux transports polluants. Cette écotaxe, allant de 1,5 € à 18 € suivant la classe et le vol, concerne les vols domestiques (sauf la Corse) et alimentera un fond consacré aux investissements dans des infrastructures de transports plus écologiques, notamment le ferroviaire. Cette annonce intervient quelques semaines seulement après la clôture des Assises du Transport Aérien, censées venir en aide au secteur dont la compétitivité est mise à mal par « une concurrence des transporteurs étrangers jouissant de règles fiscales et sociales plus favorables » (sic).

Ce mouvement de résistance citoyenne a fleuri de par le monde mais c’est en Suède qu’il a débuté. Le flygskam, traduit par « la honte de prendre l’avion », est un mouvement incitant à préférer le train à l’avion. Le gouvernement suédois a décidé en avril 2018 de créer une écotaxe sur les billets d’avion afin d’inciter les voyageurs à réduire leur déplacement en avion. Si les statistiques de passagers ont montré une baisse immédiate de plusieurs centaines de milliers de passagers, la réalité derrière cette tendance n’est pas aussi simple. En effet, cette taxe devait faire perdre à l’aéroport de Stockholm quelques 450 000 à 600 000 passagers par an mais celui de Copenhague a fortement augmenté son trafic. La raison est que SAS, la compagnie scandinave, a réagi à cette taxe en déplaçant ses départs de vols long-courrier de Stockholm à Copenhague. De tels phénomènes se sont également produit aux Pays-Bas par le passé : les voyageurs prenaient leur vol en Belgique.

Ces taxations punitives n’ont pas prouvé leur efficacité mais ont l’avantage de calmer l’opinion à court terme. En plus d’être inefficace au niveau national, cette écotaxe est profondément injuste. En effet, taxer le billet d’avion indifféremment que l’appareil soit de nouvelle génération et moins polluant qu’un ancien avion plus polluant est un non-sens écologique. Avec une sorte de bonus-malus comme pour l’automobile, la réforme aurait eu une chance d’être mieux comprise. Sans une décision au niveau européen, toute initiative nationale n’aura pas l’effet escompté.

Le transport aérien au global est déjà extrêmement taxé, au contraire du train. Par exemple, sur un billet Air France Paris-Nice vendu en moyenne 90 €, seulement 42 € reviennent à la Compagnie. Les 48 € restant sont constitués de taxes et de redevances diverses. En revanche, sur un vol long-courrier, la proportion des taxes sera nettement réduite, du fait de l’exonération de TVA.

Cette sur-taxation avait fait réagir les élus puisque le rapport Leroux avait dégagé des pistes pour réduire le poids des taxes pesant sur le transport aérien français. Malgré quelques avancées, les préconisations du rapport n’ont globalement pas été suivies, en partie pour des raisons budgétaires. Ces valses – hésitations de nos gouvernants ne sont évidemment pas favorables au secteur aérien français pour lutter à armes égales avec ses principaux concurrents.

L’écotaxe est l’instrument d’une écologie punitive alors que les compagnies aériennes ont tout intérêt à moins polluer. Le poste carburant, souvent premier poste de dépenses, représente environ un quart des charges d’une compagnie aérienne. De plus, la plupart des investissements vont dans le sens d’une optimisation de la consommation en carburant. La nouvelle génération d’avions consomme 15 à 20% de carburants en moins par rapport aux appareils anciens.

Anne Rigail, Directrice Générale d’Air France, a annoncé que l’écotaxe ne serait pas répercutée sur le prix du billet, et sera donc totalement supportée par la Compagnie. Elle s’est étonnée que cette taxe ne finance pas la transition énergétique du transport aérien, en créant par exemple une filière biocarburant. Si seulement on écoutait les professionnels avant de prendre ce genre de décisions…

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